Miss Algo - SDRC






 Histoires de jeunes

LE FRONT DU SYNDROME REGIONAL COMPLEXE DE LA DOULEUR

Ma vie était tout à fait normale avant le 22 septembre 2014 : j’ai un frère jumeau et un petit, parents divorcés, je vis donc chez ma maman.

Mon frère et moi étions inséparables à 200%, on avait les mêmes amis et tout…

J'ai des cicatrices sur tout le corps (notre père avait le malin plaisir de me brûler, mais c'est du passé). Quand mes frères se faisaient battre par mon père, je me mettais sur eux pour les protéger, pour les aider ; j'ai une prothèse dentaire des canines, car il a voulu pousser mon jumeau et je l'ai mordu… bref, ce passé me laisse une plaie qui ne se referme pas.

Mon petit frère est décédé à l'âge de 3 ans suite à une tumeur cérébrale sévère, il est mort à l'hôpital devant moi, maman et papi.


J’ai une scolarité tout à fait normale, mais je suis victime de harcèlement physique et mental depuis ma 1ère année secondaire. Ce qui a été difficile, c'était ma corpulence (je ne suis pas très mince mais pas gros non plus). Et beaucoup de jeunes m'attaquaient pour un oui, pour un non ; même un prof de gym me dévalorisait, et ça ne s’est jamais arrêté. 


Le 22 septembre 2014, un samedi, je décide d’aller réveiller mon frère jumeau, il me donne l’ordre de le laisser dormir, je refuse car nous avions RV chez le psy (il nous suivait, suite à la demande de mon père, que je ne vois plus mais qui se protège).  Mon frère s’agite et je recule pour éviter son coup de poing, il me poursuit, j’arrive au bord des escaliers et puis plus rien !! Il m’avait donné un coup de pied dans le dos : j’ai dégringolé les escaliers et traversé une vitre de véranda. À mon réveil, j’étais aux Urgences avec une commotion et une entorse ; pour ne pas le dénoncer, j’ai dit que j’avais trébuché.

Le 25 septembre, je suis sorti de l’hôpital avec un plâtre, du pied jusqu’au genou droit. Une guerre éclata avec mon frère jumeau (elle est toujours d’actualité).

Du 30 septembre 2014 au 10 janvier 2015, je vis des douleurs insupportables, à ne pas manger et dormir. Mon orthopédiste n’a jamais eu la force de me dire qu’il ne savait pas pourquoi mon entorse me faisait tant souffrir, c’est moi-même qui me suis fâché sur ma mère. Je lui ai dit : « Si tu m’aimes, abats-moi, STP ». Mon traitement était  : morphine en patch, miacalcic, paracétamol, anti-épileptique, anti-douleur, anti-dépresseur.

Nous avons été chez un autre orthopédiste, qui m’a fait passer une IRM, et on a décelé une algoneurodystrophie en phase chaude et froide, du genou jusqu’au pied droit. Il nous a dirigés vers un algologue.

Le 14 janvier, l’algologue me trouve extrêmement pessimiste, dépressif… D’après elle, l’algo serait due à mon anxiété et aux séquelles de mon passé (séparation des parents, perte de mon petit frère, violence à l’école). Elle suspend ma scolarité et me fait hospitaliser dans son service de revalidation.

Le 20 janvier, je rentre à l’hôpital : chambre 705, patient 16, haha.

Le 22 janvier 2015, cela fait 5 mois que je suis atteint de cette saleté de maladie, qui m’a séparé de mes amis : mon copain m’a quitté car j’étais un handicapé pour lui. De ma famille : mes cousins, cousines, tantes, oncles, frères et ma maman ont eu beaucoup de mal à m'accepter avec mes douleurs ; au début j'étais pour eux un comédien, un douillet, un menteur... J'ai réussi à ouvrir les yeux de maman sur ma maladie mais pas ceux de ma famille et moi, j'ai besoin de plusieurs personnes pour avancer, pas que de maman.

Tout mon monde s’écroule, ce que j’ai construit n’est plus! Et voir mon frère ennemi vivre son adolescence, faire ses sorties… Il vit sa vie !!

Je fais de la kiné 1h tous les jours sauf le dimanche, de l’ergo et de la piscine également (la piscine était une délivrance pour moi et le TENS aussi). Il est impossible de laisser les kinés toucher mon pied, les bains de pied étaient de la torture pure. A cause de ce surcroit de douleur, l’algo a voyagé : elle est désormais présente dans la jambe droite et dans le bas du dos.

Le 19 février 2015, ça fait 3 semaines que je suis hospitalisé en revalidation : aucune évolution ; au contraire, je ne mange plus, je refuse la kiné, je veux en finir. L’algologue, inquiet, me fait transférer en pédopsychiatrie : j’avais déjà été interné suite à deux T.S, à cause de mon père.

Là, on me traite de menteur, de malade, d’affabulateur, on me fait subir un sevrage de mon traitement…  Le dernier jour, mon algologue a sonné et m’a ramené dans son centre : suite à leur décision, mes douleurs étaient insupportables, je me suis même blessé pour oublier la douleur. Quand je suis revenu, ils m’ont augmenté les doses pour « s’excuser » et m’ont laissé dormir 2 jours sans activité.

Le 28 février, je sors de l’hôpital : mon traitement ne fonctionne plus, j’ai de plus en plus mal. Mais je m’y rends le mardi et le vendredi pour 1h de kiné, 1h d’ergo et 1h de piscine, voire TENS.

Le 22 avril, 7 mois que j’ai de l’algo, je ne contrôle plus mes crises : mes articulations « rouillent », je ne sais plus me baisser, la kiné me fait de plus en plus mal, je me fais insulter par mes connaissances… Mon année scolaire est fichue, je double ma 4ème, la première année que je rate, pour moi c’est une honte.

Mon médecin m'a donné une lettre, je l'ai lue et c'était la goutte d'eau qui fait déborder le vase. J'étais reconnu comme invalide, à 16 ans, donc carte de stationnement, allocations... J'ai avalé 2 flacons de Rivotril et je me suis endormi. 4 jours et 12 h de « coma ».  


Le 26 avril, je me réveille, je ne me souviens de rien, même pas de ma maman, le trou noir complet. Le 27 avril, mes pensées me reviennent, je suis surveillé 24h/24, je ne prends plus de Rivotril, juste ma morphine et des anti-dépresseurs et un nouveau médicament, le Lyrica. Pour moi c'est Dieu : je n’ai plus mal. 


Le 30 avril 2015, j’étais allongé sur mon lit et soudainement maman, mon avocat, deux ambulanciers et mon algologue débarquent dans ma chambre. On m’explique qu’on va me transférer, mais où, on ne me le dit pas. Les mots étaient : « Tu es un danger pour toi, tu as failli y passer, tu as abimé ton cœur, avec tes imbécilités, des gens tiennent à toi… » On m’a fait une injection et je me suis réveillé dans une chambre avec  une porte métallique, un judas dessus, des fenêtres avec des barreaux… le début de mon cauchemar.

Le 31 avril, on a ouvert la porte, une dame est entrée et m’a dit : « Bienvenue à l’hôpital psychiatrique. »

Du 31 avril au 19 juin, je suis resté enfermé dans un bâtiment équipé d’une cuisine, d’un salon, de 13 lits, 2 isolements. On sortait rarement, à cause des fugueurs ; j’étais considéré comme dangereux, on me droguait à l’Etumine, on nous faisait voir des films sur la vie en société, ou sur le bien et le mal ; passer des encéphalogrammes (sur mon séjour, j’en ai eu 5). On était des numéros ; on ne pouvait pas se parler entre patients ; les douches étaient ouvertes et un éducateur nous surveillait ; on nous mettait un doigt en bouche pour être sûr qu’on avalait nos médocs… J’ai essayé de me pendre dans les toilettes, ce qui m’a valu 72 h d’isolement sans visite.

Le 18 juin, c’était mon anniversaire et exceptionnellement, j’ai pu voir ma maman en privé et dehors. Elle m’a trouvé mal, j’avais perdu 12 kg pendant mon séjour, et elle a sonné immédiatement à mon algologue. Le 19 juin, j’étais en train de faire mon lit quand j’ai entendu crier « scandale ! » Mon algologue était là en personne, il avait prescrit de la kiné aux Pavillons, je n’en ai jamais eu, il a sonné à ma maman pour venir me chercher, l’algologue était en colère mais aussi inquiet.

Le 20 juin, j’étais chez moi dans mon lit.

A la rentrée scolaire, le mardi 1er septembre 2015, je suis victime de menaces, de racket, de violence physique, qui vont durer des mois avant que je craque. Il y a des jeux comme croche-béquilles…  Mon frère n’accepte pas que ce soit sa faute, tout ça, et il n’hésite pas à lever la main sur moi ou à me bousculer, lui et sa bande : je suis le maillon faible des élèves et les profs ne m’aident pas.

De septembre à noël, je reprends à plein temps, donc 9 h de cours au lieu de 4 h. Je ne vous cache pas que mes envies d’en finir sont toujours présentes.

Février 2016. Cela fait 18 mois que ma vie n’a plus d’importance à mes yeux, mais je tiens bon, car j’ai une prunelle à mes yeux pour qui chaque jour je donnerais ma vie : mon filleul. Je ne fais plus de kiné : beaucoup trop épuisé. Je marche avec 1 béquille, je suis suivi par un psychologue, un psychiatre, deux algologues, un rhumatologue. Maintenant, nous allons vers la pose d’un cathéter veineux et une nouvelle hospitalisation de 6 semaines.

Consultation mensuelle chez l'infirmière de la douleur. D’habitude, avant d'y aller, je monte aux services de revalidation et je vais discuter avec Robert, 68 ans et toujours souriant, même étant atteint d'algo depuis 7 ans : on était dans la même chambre et on a fait les 400 coups… Je suis arrivé avant lui et je suis reparti avant lui, d'où mes visites (pour moi, c'est mon troisième grand-père).

Ce jour-là, j'étais en retard donc je ne suis pas monté tout de suite. À la fin de la consultation, l'infirmière me dit : « Ne monte pas » et m'expliqua que Robert s’était pendu dans sa chambre. Il nous a laissé une lettre avec un paragraphe à mon nom, il me remerciait et m'expliquait qu’à son âge, il n'avait plus rien à perdre et que moi si. Je suis effondré : c'était l'une des seules personnes qui pouvaient me donner envie de continuer, il m'a même fait réussir mon examen de Noël en math, en m'expliquant de A à Z le théorème de Thalès… et j'en passe !!! 

L'algo a encore enlevé un ange.

Paulin. 16 ans

 

NON, C'EST PAS "DANS MA TÊTE"...


Avril 2012 : Lauriane a 9 ans. Détection d’une scoliose : corset, difficilement supportable dès octobre. Le médecin qui la suit la trouve en surpoids (il n’a que ça à la bouche).

Mai 2013 : dans la cour de l’école, Lauriane se prend un ballon de foot sur la tête, s’ensuivent 18 mois de maux de tête intensifs (ça tape).  Consultations neuro, pédiatre, scanner… Elle n’est pas écoutée et je me prends de bec avec ces professionnels qui se prennent pour les rois ! Rentrée en CM2, Lauriane est régulièrement absente durant l’année.

Août 2014 : Lauriane se plaint de mal de dos, localisé dans les lombaires. IRM en octobre car on ne peut plus lui toucher le dos, irradié par la douleur. Terminé pour le corset… La scoliose est à 48°.

Septembre : rentrée au collège, qu’elle quitte au bout de 2 jours et demi à cause du comportement de l’infirmière scolaire qui lui refuse de pouvoir s’allonger et la laisse plantée dans la cour, en pleurs... Nous inscrivons Lauriane dans le 2e collège.

Octobre : elle est orientée par un énième pédiatre dans un Centre de la douleur qui lui propose un TENS (15 jours plus tard, plus de maux de tête) mais la douleur dans le dos ne lui permet pas de marcher, elle ne va plus à l’école (6ème).

Février 2015 : elle a mal aux mains du jour au lendemain, sans cause. Le médecin qui la suit pour la scoliose parle d’une impotence des mains, sans faire aucun examen. Il lui propose d’entrer au Centre de rééducation. Pour lui, « la scoliose n’est pas douloureuse ».

Mai : Lauriane a 12 ans. Comme elle ne va plus au collège, elle entre au Centre de rééducation avec suivi kiné, piscine et cours. Durant ce séjour de 6 semaines, Lauriane entendra tous les jours de la part du personnel : « T’es pas bien dans ta tête, c’est pour ça que tu as mal ». À bout, elle quittera 2 fois le centre, pour ne pas y revenir la seconde fois. Depuis, elle est à la maison, rayonnante !

Début juin 2015, je prends connaissance des conclusions de l’IRM (passée en octobre 2014 !) qui décrit une arthrose, un pincement discal avec léger débord. J’appelle le médecin et je lui demande de refaire une IRM, il me répond que c’est hors de question et quand je lui annonce les conclusions de l’IRM d’octobre (scoliose à 70°) pour lui, « les conclusions sont exagérées » !

Dans la foulée, il écrit un courrier (dont nous ne serons pas destinataires) au Centre de la douleur qui suit Lauriane, au chirurgien que nous devons rencontrer (sans lui puisqu’il n’écoute pas) et à notre médecin traitant. Dans ce courrier, il évoque les problèmes « psychologiques » de Lauriane, l’impotence de ses mains… Et d’autres choses qui mettent en évidence qu’il ne connaît pas sa patiente. Dit qu’il s’inquiète pour son avenir en évoquant « les peurs et croyances » ( !) de sa mère.

Ce courrier, nous en aurons connaissance en juillet 2015 (par hasard) et après discussion avec notre médecin traitant, celui-ci demande une scintigraphie osseuse et une IRM de contrôle (il n’a jamais reçu les conclusions de la première IRM car il n’en était pas le demandeur). La scintigraphie parle d’une possible algo. Le diagnostic n’est pas clairement posé mais notre médecin traitant le considère comme algodystrophie (c’est la 2ème enfant dans sa carrière). S’ensuit un lit médicalisé pour le dos, un fauteuil roulant…

Septembre 2015, Lauriane reprend le collège… 5 jours seulement. Pas d’ascenseur ! Un calvaire… Avec le médecin scolaire du Rectorat, on arrive à une inscription au CNED fin novembre, pour un an.

Février 2016 : après un an de douleur aux mains, l’algo disparaît du jour au lendemain. Une semaine plus tard, mal à la cheville droite, impossible de mettre une attelle… La cheville est froide/glacée, gonflée, puis chaude, notre médecin fait lui-même le diagnostic de l’algo…. Les douleurs du dos commencent à disparaître, nous pouvons de nouveau serrer notre fille dans nos bras. Le dos reste avec une certaine gêne localisée au bas des lombaires, encore douloureuses. Début avril, seul le talon est douloureux.

Depuis novembre, ça va mieux, on a changé d'équipe (algologue, chirurgien etc...) on a juste gardé notre super médecin traitant.

Depuis avril 2016, les douleurs sont dans les 2 pieds et remontent jusqu’aux genoux. Lauriane marche sur la pointe des pieds en s’aidant de béquilles dans la maison (sans béquilles, pas d’équilibre) ou en fauteuil roulant à l’extérieur, le moral est très bon. Lauriane voit un algologue : pour lui « l’algo ne migre pas »… Il prescrit un traitement qui n’a pas fait ses preuves jusqu’à présent, après 1 mois Lauriane l’arrête.

En juin, le médecin traitant tente un traitement avec la Gabapentine (un anti-épileptique) mais aucun effet à la mi-août, bien que les doses soient à 900 mg/jour. Fin août, rendez-vous avec un nouveau neurologue (rendez-vous pris depuis janvier).

Projet pour la rentrée de septembre 2016 : retour au collège, en classe de 4ème donc dossier MDPH en cours (troisième demande en 10 mois), seule possibilité d’obtenir un transport adapté par le Conseil Général… On est à 2 semaines de la rentrée mais Lauriane y croit.


Durant ces dernières années, notre fille a perdu toutes ses copines de classe (elle a fait sa primaire avec le même groupe depuis la maternelle) jusqu’à notre voisine qui était dans la même classe et qui aujourd’hui observe Lauriane mais sans lui parler… l’atmosphère est lourde. Régulièrement ces enfants lui disaient qu’elle simulait ! Aujourd’hui, lorsqu’elle se promène dans le bourg, ces enfants l’observent mais plus personne ne lui parle.

Son petit frère a été victime de harcèlement scolaire par certains enfants du bourg. Nous avons dû le changer de collège ; après un mois très difficile, il s’est fait des copains et adore son nouveau collège. Cela a été difficile pour Lauriane de voir qu’on s’en prenait à son frère. Sinon ils restent très unis (ils ont 15 mois d’écart). Il a déjà dit qu’il présenterait des élèves à sa sœur, si elle allait dans le même collège que lui à la rentrée prochaine. Une phrase très marquante l’été dernier : « Est-ce que ma sœur va mourir ? »

Sinon heureusement, au Centre de Rééducation, Lauriane a fait de très belles rencontres. Elle est restée en contact avec la plupart des ados qui s’y trouvaient et dont certains y sont encore. Aujourd’hui on peut dire qu’ils sont ses seuls amis. Ils s’appellent, se sms etc… Ces jeunes pour certains sont gravement handicapés, d’autres souffrent d’algo…. Mais entre eux il n’y a jamais eu le moindre jugement. Ils comptent les uns sur les autres. En février dernier, l’une des amies de Lauriane (en béquilles : algo des 2 jambes) est venue passer une journée à la maison, les filles ont été dans le bourg faire un tour à la Maison des Jeunes, mais elles sont revenues car elles n’ont pas aimé le regard des autres jeunes. On n’imagine pas la méchanceté des enfants entre eux et le jugement des parents de ces enfants, dans les petits bourgs.


« Je m'appelle Lauriane, j'ai 13 ans et j'ai de l'algo. Je suis bien dans ma tête (heureusement pour moi) et je me fous de ce que disent les médecins qui se prennent pour des dieux, ils ne connaissent pas cette maladie et n'osent l'avouer, donc ils disent et écrivent des choses impensables sur leurs patients.....

Je vous réponds, CHERS MEDECINS, vous qui me recevez 20 minutes chrono dans votre bureau, vous me faites souffrir en appuyant sur mes zones douloureuses et vous vous étonnez que je pleure, donc je vous réponds que je souhaite que vous viviez cela un jour et qu'un de vos confrères ait la même attitude lamentable que ce que vous m'avez fait vivre ces 3 dernières années.

Aujourd'hui je vois qui je veux, je parle à qui je veux, si je ne veux pas vous parler c'est pas que je suis triste, non, c'est pas que je suis mal dans ma peau, NON, c'est que JE VOUS AIME PAS parce que vous ne m'écoutez pas.

Vous ne savez pas qui je suis, je suis une ado qui aime rire, qui fait ch... ses parents avec ses blagues pourites, qui adore fait ch.... son petit frère, qui a des passions, et oui j'ai des passions ! comme tous les ados. Je suis ma scolarité (et ça c'est pas grâce à vous) et j'espère bien passer en 4ème à la rentrée. Même si je suis nulle en maths, je suis EXCELLENTE en d'autres matières, mes résultats sont plus que corrects, mais c'est sûr j'arrête le latin, je déteste... tiens je déteste le latin comme je vous déteste.

Donc pour résumer la situation, vous m'avez pourri la vie pendant 3 ans. Aujourd’hui je signe une pétition pour que vous ne pourrissiez pas la vie d'autres enfants qui n'auront pas des proches qui croiront en eux.

Moi j'ai la chance d'avoir des parents, un petit frère, des ami(e)s, des copains/copines, mon chien, l'écureuil du bout du jardin, mes poissons rouges du bassin QUI CROIENT EN MOI..... Merci merci merci à vous qui ne me jugez pas, vous je vous AIME. »

Extrait du journal non écrit d'une ado banale qui attend le prince charmant (enfin s'il existe car il semble qu'il ne soit disponible qu'en DVD et en livre... pas cool).


Lauriane 13 ans

 

 

L’ALGO, C’EST DU SPORT…


Je  suis une fille de 15 ans seulement, diagnostiquée d'algodystrophie il y a environ 2 ans, mais ça fait depuis 2009 que j'ai mal. Tout ça a commencé avec de simples douleurs à mon genou droit, pour se terminer dans toutes les articulations de mon corps. J'ai passé une année en chaise roulante, à faire de la physiothérapie en piscine, ce qui m’a grandement aidée. Et aujourd'hui il y a des jours ou je marche et d'autres non, mais je m'y suis habituée :))

Tout a commencé en 2009, lorsque je suis tombée sur mon genou en faisant de la planche à neige : je me suis fait pousser sur une plaque de glace et selon les médecins, c’était seulement une contusion sur ma rotule mais finalement il était possible que ce soit une fracture qui a mal guéri. Dans ce temps-là, j’étais une grande sportive, j’avais été nommée la plus sportive de mon école et de plus je jouais au soccer compétitif, j’étais en essai pour l'équipe de ma province. Mais malheureusement, tous ces plaisirs de la vie, et surtout ce rêve d'être dans l'équipe, ont dû s'arrêter tranquillement, parce que la douleur rendait ces activités impossibles.

Je faisais de la physio et de l'ostéopathie, mais en externe de ce que l'hôpital voulait que je fasse. Comme ils ne savaient pas trop ce que j’avais, ils voulaient juste que je prenne des anti-inflammatoires pour aider contre la douleur et tout.

Au début, j’ai continué à vivre normalement et j'ai forcé beaucoup mon genou, surtout en jouant au soccer 4 fois par semaine. Quand on aime quelque chose, souvent on essaye de faire passer la douleur comme si de rien n’était.

A 13-14 ans, j’ai eu plein de tests à l'hôpital :

- radio : négative,

- IRM : ils ont trouvé un kyste de Baker et scinti : j’avais une déminéralisation osseuse de la jambe droite (celle où j'ai eu mal au tout début.) On ne m’avait jamais dit que j’avais une déminéralisation avant qu'ils posent le diagnostic d'algo ; mais même là, c'est moi qui lui ai demandé et il a réalisé que j'en avais.

- Prise de sang 

- Et des tests physiques avec des rhumatologues : par exemple, ils prenaient ma jambe et la tournaient dans tous les sens pour voir ce qui me faisait mal. Dans le fond, j'ai commencé les rdv à l'hôpital avec des douleurs seulement au genou droit en mars et rendu au mois de juin, je suis rentrée à l'hôpital en chaise roulante parce que rien ne fonctionnait plus dans mes articulations.

Actuellement, j’ai mal dans toutes les articulations, et la colonne vertébrale : c'est le pire endroit, comme il y a un point précis sur ma colonne, un petit peu plus bas que les omoplates.

C’est déjà arrivé que mes pieds étaient énormes à cause de l'inflammation ; et la couleur de mes jambes et mes mains change entre le bleu, le mauve et le blanc. Et le rouge. Les médecins disent que c'est seulement mental...

Octobre 2015

J'ai eu énormément peur, les médecins m’ont enlevé une masse dans le dos et ils l’ont envoyé tester pour voir si je n'ai pas un cancer. Le médecin m'a appelée pour me dire que c’était pas un cancer, mais il y des risques maintenant que j'aie un cancer du cerveau ou un cancer de la moelle épinière, malheureusement ...

Je déteste cette foutue maladie : elle m'empêche de réaliser des choses que j'ai toujours voulu faire. Croire que je vais rater la seule chance que j'aie dans ma vie de faire ce que j'aime vraiment, juste à cause de cette maladie de merde : un voyage au Mexique en musique. C’est une seule fois dans une vie que ça arrive et malheureusement je ne pourrai le faire...

Première grosse hospitalisation : minimum 2 semaines à l'hôpital et max 4 mois. Au programme, physiothérapie et ergothérapie intensives, pour être capable de revenir comme avant. Le but c'est de forcer mes douleurs : selon les médecins, c'est mélange d'algo et de syndrome de conversion (un problème psychiatrique qui fait que j'aurais des douleurs et des paralysies).

Ils m’ont fait passer un EEG, un test pour calculer "l'électricité" dans mon cerveau, dépendant des endroits, et pour savoir comme ça quelle partie ne fonctionne pas ou fonctionne juste mal –


Décembre 2015

Méga rencontre avec les médecins, la physio et la psy... Grace à ceci le diagnostic est tombé :

- algo + syndrome de conversion (mon médecin fait partie des 15 pédiatres à avoir fait la recherche sur le trouble de conversion).
Au moins il y a un énorme plan mis en place pour un retour à la normale et je dois aussi aller dans un groupe de recherche fait par des médecins, car je suis un pur rat de laboratoire pour eux : ils n’ont aucun autre cas comme moi...

Dans le fond, mon syndrome, c'est mon cerveau qui est déréglé et ils veulent savoir ce qui est déréglé. Alors j’ai fait un bilan cognitif de 12 heures pour savoir ce qui ne fonctionne pas et qui cause la douleur. Les médecins traitent ceci comme si j’avais une jambe cassée exemple : on fait les tests et on résout le problème après.

Les médecins confirment que les douleurs sont bien réelles et que dans mon cas, je peux tout simplement marcher et j'aurais la même douleur que quelqu'un qui s'est cassé la jambe. C’est entièrement réel mais la cause de tout ça vient de la tête et c'est pas parce que nous sommes fous, mais plutôt parce que notre cerveau est tout simplement déréglé...

Ils ont testé polyarthrite et arthrite juvénile idiopathique mais j’avais pas tous les symptômes nécessaires pour être diagnostiquée, alors ils ont laissé faire.

Ils ont pensé à la fibromyalgie, à l’arthrite et toutes les probabilités ont été écartées mais en plus de l'algo j'ai le trouble de conversion, ce qui augmente les douleurs, et j'ai aussi un kyste de Baker derrière le genou droit, de la grosseur d'une balle de tennis environ, ce qui n'aide pas vraiment.


Janvier 2016

Je suis sortie de l'hôpital, les médecins voyaient pas la nécessité de me garder plus longtemps. Malheureusement ils ont choisi le traitement intense, alors je dois aller courir pendant 30 minutes tous les deux jours et cela malgré la douleur vraiment intense. Les médecins m’y obligent. Et le pire c'est que je n'ai pas le droit d'arrêter de courir si j'ai mal... sinon, selon eux, je vais jamais guérir, et à mon âge, j'ai le gout de vivre ma vie sans avoir mal...

La physiothérapeute qui fait mon programme n’est pas très compétente : lors de la deuxième séance, elle ne savait quoi me faire faire comme exercices... Elle m’a fait sauter pour tester je ne sais pas trop quoi et c'est à partir de ce moment-là qu'elle a appris que j’avais des douleurs, car selon elle, j'ai pas mal... En moyenne, la douleur  est autour de 5-6 mais quand je force, elle monte à 8-9-10. Mais les médecins n’y portent pas vraiment attention.

Comme c’est trop intense, on a changé pour de la marche pendant 30 minutes tous les deux jours.

Ce stage de gestion de la douleur ne m'a pas du tout aidée : c’était sincèrement une perte de temps malheureusement.



Juillet 2016        

Je suis toujours suivie par une ostéopathe ainsi qu'un psychologue et une ergothérapeute puis j'ai mon médecin en pédiatrie des douleurs chroniques qui me suit, mais c'est beaucoup moins intense qu'avant pour la quantité de rdv.

J'ai fini par apprendre à vivre avec la maladie
et maintenant je me débrouille pas mal bien, j'ai fait une grande amélioration au niveau de ce que je peux faire malgré ma douleur. C’est sûr que ce n'est pas une vie de rêve que j'ai, mais au moins je peux déjà en faire beaucoup plus, si je compare à il y a 2-3 ans.

                                                                                                    Blandine. 16 ans

 

 

L'ESPOIR FAIT VIVRE


Il y a 3 ans, j'ai été atteinte d'une algodystrophie qui a duré 1 année environ. Je sais à quel point c'est une maladie éprouvante, physiquement et moralement!

Je me suis tordu le pied lors d'un entraînement de hand. Sur le coup, je n'ai pas eu plus mal que ça, j'ai pu remarcher dessus. C'est le lendemain que mon pied est apparu gonflé. On m'a diagnostiqué une entorse externe et prescrit des séances de kinésithérapie afin de ne pas amplifier l'œdème... Malheur! Je ressortais de chaque séance en pleurs, avec des douleurs indescriptibles. Le parcours du retour en voiture était une torture. Plus j'y allais, plus les douleurs s'intensifiaient! Le kiné ne comprenait pas, forçait, me reprochant d'être douillette!!! Il a fini par m'envoyer aux Urgences, où, ne sachant pas quoi faire, ils m'ont plâtrée. Bref, je passe le détail de la douleur avec le plâtre, etc.

Je reviens quelque temps après pour enlever le plâtre. Et je crois que ce moment m'a traumatisée à vie. Je me suis retrouvée face à un médecin urgentiste, qui ne comprenait pas pourquoi on m'avait plâtrée, et qui ne prenait en compte ni le gonflement de mon pied, ni les douleurs dont je me plaignais. Il a demandé à mes parents de sortir de la salle et m'a demandé si je ne me créais pas ce problème afin de ne plus aller à l'école, puis m'a fait lever de la table pour que je marche sur ce pied (chose de toute façon impossible après un plâtre) !! Bref, je suis ressortie des Urgences avec un pied dans un état encore pire qu'au début, et sans diagnostic ! Gonflé, bleu, froid, dur, hypersensible : je ne pouvais même plus le poser sur le lit, et mettre une chaussette me faisait tomber dans les pommes !
Désespérés, nous nous sommes tournés vers d'un chirurgien, orthopédiste il me semble. Et c'est lui qui m'a diagnostiqué cette algo (au bout de 3 mois de bataille, enfin!). Il m'a conseillé d'aller voir une rhumatologue. Cette rhumato m'a aussi marquée. C'est comme si elle me reprochait d'avoir un problème psychologique, ce qui me déclenchait tout ça, histoire de ne pas aller en cours… Elle m'a mise sous Aredia en 2 x 4h, puis m'a prescrit du Lyrica. Traitement qui m'a fait prendre du poids, perdre des cheveux, et j'en passe. Sympa pour une ado qui aimait bien être coquette!

A cause de cette algo, j'ai dû arrêter les cours et m'inscrire au CNED. J'ai perdu pas mal de copains qui ne voulaient pas d'une amie en fauteuil roulant. Le fauteuil roulant, tiens! Quelle galère! Mais j'étais et je suis une battante! Alors je me suis servi de tout ça comme d’une force, malgré mon âge. Je me suis mise dans une bulle, j'ai appris à gérer ma douleur, à être forte. J'ai empoché mon Brevet des Collèges avec mention! Mes parents ont été l'unique soutien sur lequel j'ai pu me reposer. Ils souffraient autant que moi, incapables de m'aider, mais leur réconfort était force... C'est grâce à eux que j'ai tenu le coup! Avec mon papa, on se motivait toujours en disant : "l'espoir fait vivre", ça nous faisait rire de dire ça quand j'en avais marre.

C'est seulement 6 mois après que j'ai pu remarcher. La guérison se fait du jour au lendemain, c'est incroyable.

Je pense que le plus dur quand on est malade, c'est de garder espoir. On ne voit pas le bout, mais on doit garder la tête haute. C'est compliqué et j'en suis la première convaincue, mais avec du courage on va loin ! De l'espoir, du courage et du moral ! Voilà ce que je souhaite à tout le monde !

Aujourd'hui j'aimerais utiliser cette expérience comme une force, pour présenter et parler de ce sujet si peu reconnu et difficile à faire comprendre, à travers un projet en lien avec mes études. L'idée serait de mettre en évidence l'impact qu'a cette maladie sur notre vie quotidienne, notre moral : l'attente du diagnostic, la compréhension des autres, des médecins... etc.


Charlotte, 17 ans.

 

 

ERREUR MEDICALE…


Mon algo est au genou gauche. J’ai été opérée la première fois du genou le 3 juillet 2009. Le chirurgien m'a fait une arthroscopie, il a coupé un ligament. L'opération passée, j'avais toujours autant de douleurs. J'ai été voir à plusieurs reprise le chirurgien : il m'a dit en gros qu'il ne voulait plus s'occuper de moi car les douleurs étaient dans ma tête.

Du coup, 2 ans voire 3 après, mon médecin traitant m'a envoyée vers un autre chirurgien (celui que j'ai maintenant). Quand il a vu la radio et le compte rendu médical de l'opération, il était très en colère ; du coup, en urgence il a programmé une opération. Et à cause du premier chirurgien, on est obligé de réparer les dégâts qu'il a faits. J'en suis à ma 3eme opération en 3 ans alors que ça aurait dû être tout simple… ça m’a causé une algo, et le pire c'est qu’on doit opérer la deuxième jambe, mais je ne peux pas tant que la première n’est pas rétablie.

Les médecins pensent que l'algo est apparue à cause d’opérations trop rapprochées. J'ai également eu une TTA (transposition tuberculosité tibiale antérieure)

J’ai eu 3 infiltrations fin novembre début décembre 2013, une par semaine. Avant, je pliais mon genou à peu près à 30 degrés, maintenant j'en suis à 50, voire 55 degrés et ça évite que mes os se frottent ensemble.

Je prends du klipal, de l'actiskenan, du bi-profenid, des emplâtres de versatis. J’ai deux séances de kiné par semaine. Le médecin anti douleur m’a dit de ne pas trop marcher ou poser ma jambe.

En plus de l'algo, j'ai une fibromyalgie. J'ai des patchs de morphine et malgré tous ces médicaments,  j'ai toujours aussi mal.

Je souffre également du syndrome des jambes sans repos : ce sont des spasmes très violents.  J'en ai souvent mais surtout la nuit et si ce n'est pas la douleur qui me réveille, ce sont les spasmes.

Le centre anti-douleurs que j'ai vu début juillet 2014 a fait une demande auprès de mon chirurgien pour me faire une mobilisation forcée sous anesthésie générale et veut que j'aille dans un centre de rééducation spécialisé. J'attends la décision de mon chirurgien et d'un autre médecin à l'hôpital St Antoine à Paris.


Aurore, 25 ans.

 

 

DOUBLE ALGO

Depuis l’âge de 6 ans, j’étais dans un club de basket, je pratiquais une dizaine d’heure par semaine. Chaque mois de novembre et mai, j’avais une tendinite au tendon d’Achille droit. A 12 ans, j’ai eu une entorse à la cheville droite. A 15 ans, j’ai arrêté le club et je me suis inscrite à l’AS de mon lycée, je faisais donc plus que 2h par semaine. A la place de la tendinite, au mois d’avril 2012, j’ai eu une périostite du tibia droit, diagnostiquée par IRM. En 1 mois c’était fini et j’ai eu des semelles orthopédiques mais malheureusement, après 3 semaines de rémission, j’ai ressenti de nouvelles douleurs (le lendemain d’un entrainement) je suis donc retournée voir mon médecin du sport qui m’a redonné une IRM à faire : elle était normale, donc ça ne pouvait être qu’une algo.

Le doliprane-paracétamol est resté sans effet : j’ai mis mon pied dans de l’eau froide, notamment la nuit pour pouvoir dormir, mis des compresses imbibées d'alcool : ça permet de dégonfler, en plus la fraîcheur soulage aussi. J’ai fait de la kiné à partir de la phase froide. Au bout de 10 mois, j’étais guérie.

Au mois de mars 2014, on m’a donné un coup de raquette de ping-pong sur le poignet gauche, c’est devenu une algo. Au mois de mai, je me suis levée un matin avec des douleurs dans la jambe droite, c’était en fait une algo également (personne n’a trouvé de raison à cette récidive). Dès les premières douleurs, j’ai tout de suite commencé la balnéo et surtout j’ai réussi à les dompter : je me suis moins concentrée sur les douleurs, vu que je savais qu’elles allaient m’empêcher de dormir, etc En cours, elles sont parfois insupportables, ce qui empêche la concentration. Et la kiné demande beaucoup de temps, ce qui est gênant quand on passe le bac.


Estelle, 17 ans.

 

 

GRANDIR EN COMPAGNIE DE LA DOULEUR


Depuis que je suis petite, j’ai une malformation aux pieds. J’ai été blessée à de nombreuses reprises à la cheville gauche, aggravant la malformation. De ce fait, quand j’ai eu 12 ans, on a dû m’opérer. Un mois après l’opération et le retrait du plâtre, je me suis fissuré le péroné, conduisant à un mois de plus de plâtre. Deux mois après, j’avais des douleurs de plus en plus fortes, la cheville brûlante, enflée, et on m’a fait passer une scintigraphie. C’est à ce moment-là qu’on m’a diagnostiqué l’algodystrophie : on m’a dit que ça durerait entre 6 mois et un an grand maximum. Mais, ce que l’on m’a caché, c’est que ça pouvait durer plus longtemps que ça, qu’elle pouvait être sévère, durer des années et toucher toute la jambe. Aujourd’hui, ça fait huit ans que j’en souffre, huit ans que je ne peux plus marcher et que je me déplace en béquilles, et je n’aurais jamais pensé que ça puisse être aussi difficile de vivre avec une maladie rare et surtout une douleur incontrôlable et infernale, nuit et jour, sans aucun répit...

Durant ces huit années, je me suis blessée à de nombreuses reprises, ce qui n’a pas arrangé les choses niveau maladie, et surtout douleur.

Ce que je ne savais pas non plus, c’est que l’algodystrophie pouvait avoir de nombreuses conséquences, aussi bien neurologiques (on m’a trouvé une dystonie*, j’ai fait une petite hémiplégie) que sur le membre en lui-même. L’une de ces conséquences a été la rétraction du tendon d’Achille, qui a nécessité une opération consistant à l’allonger. Une intervention encore considérée comme une agression par l’algodystrophie. A l’heure actuelle, ça fait presque deux mois qu’a eu lieu cette dernière opération et je ne pensais pas qu’elle pourrait aggraver autant la douleur. C’est un véritable enfer, que personne ne peut comprendre à part les personnes qui souffrent de cette maladie. Et c’est vraiment déprimant comme expérience…

Il n’y a pas à prendre en compte seulement le contexte physique, mais aussi moral. Je n’étais qu’une adolescente lorsqu’on m’a dit que j’avais une algodystrophie et ça a été très dur à vivre. C’est une période durant laquelle on essaye de se chercher, de savoir qui on est, mais comment y arriver quand on est rejeté par les autres à cause de cette maladie, quand on ne peut pas être autonome comme on le souhaiterait ? Ce n’est pas facile et ça l’est encore moins lorsqu’on est incompris par sa famille, ses amis, ses professeurs, parfois même ses kinés ou ses médecins. Ils ne comprennent pas qu’on puisse ne pas aller mieux, ils pensent qu’on ne fait aucun effort, qu’on ne veut pas aller mieux, ils ne croient pas que la douleur est si forte qu’on n’en peut plus.

Mis à part les personnes atteintes d’algodystrophie, personne n’arrive à croire et à  comprendre que j’ai de très fortes douleurs. Quand on ressent dans un membre entier des brûlures aussi bien chaudes que froides, des fourmillements, des courants électriques, des coups de couteau, des tiraillements, des lancements, des sensations d’étau, des pointes, des douleurs de crampes, des contractions et bien d’autres douleurs difficiles à décrire... Quand on les ressent toutes en même temps, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, depuis des années, et qu’on entend sans cesse qu’on n’a qu’à prendre sur soi, qu’on n’a qu’à faire des efforts si on veut aller mieux, comment est-on censé le prendre ?

Et encore plus lorsqu’on force pour bouger ne serait-ce qu’un orteil, à tel point que ça provoque des migraines, en plus des douleurs continuelles, c’est loin d’être facile. Sans oublier le fait qu’il n’existe pas de médicaments pour guérir cette maladie… on nous donne seulement des traitements pour essayer d’atténuer la douleur. Loin d’être efficaces, car même sous un traitement plus fort que la morphine, et sous dérivés morphiniques, je souffre énormément et plus ça va, plus je souffre.

J’ai malheureusement l’impression de ne pas être comprise par de nombreuses personnes et ça, c’est frustrant d’être incomprise, d’être traitée de comédienne car des gens ne me croient pas. Malheureusement, on est obligé d’essayer de vivre avec, mais c’est loin d’être facile de se dire que des personnes de notre entourage, des inconnus, et parfois même le personnel médical, ne nous prennent pas au sérieux ou parfois prennent à la légère les douleurs que l’on peut décrire.

J’ai même essayé des médecines douces, qui n’ont eu aucun effet sur moi. J’ai essayé absolument tout ce que l’on a pu me proposer, ce que j’ai pu découvrir, et ça n’a conduit à rien, mis à part à des douleurs de plus en plus insupportables et permanentes, qui n’arrivent pas à disparaître, qui m’empêchent de dormir, de vivre…

C’est vraiment une expérience très douloureuse, aussi bien physique que morale et c’est encore plus dur si on reçoit des remarques, parfois même d’inconnus, qui ne sauront rien faire à part nous critiquer en nous traitant de chochottes, de personnes manquant de volonté. Mais s’il y a bien une chose que je ne souhaiterais jamais, même au pire criminel sur terre, c’est cette souffrance atroce et continuelle qui me poursuit depuis huit ans et qui touche de nombreuses autres personnes, elles aussi incomprises. Ce serait sûrement plus « facile » à vivre si ceux qui osent faire des remarques désobligeantes pouvaient essayer de comprendre ce que l’on vit, combien on souffre, et combien la médecine est impuissante pour nous soulager à l’heure actuelle…

Cette maladie est aussi un inconvénient pour notre vie « professionnelle ». Etant actuellement étudiante, il m’est très difficile de me concentrer avec une telle douleur lors des cours, des révisions et des examens. C’est également déroutant de s’apercevoir qu’une douleur peut être tellement forte qu’elle va nous empêcher de faire des choses, sans pouvoir vivre comme la plupart des gens…


Nadège, 21 ans

Suite du vécu de Nadège

https://informersuralgo.wordpress.com/2016/08/14/blog-post-title/

* La dystonie est un trouble neurologique moteur, caractérisé par des contractions musculaires involontaires et prolongées, engendrant des attitudes anormales.



 

TROP JEUNE !!

 Ma première algoneurodystrophie est apparue à l’âge de 11 ans, suite à une micro fracture du scaphoïde. Le diagnostic a été posé seulement un an après la fracture, car les médecins ne connaissaient pas, ne voulaient pas entendre parler de cette maladie dite auparavant, et même encore de nos jours, psychologique, psychosomatique. « C’est dans votre tête », voilà la phrase que j’ai entendue, et, que j’entends encore un nombre incalculable de fois. Cette fameuse phrase qui nous fait nous demander si on n’est pas fou, si on n’invente pas, cette fameuse phrase qui nous rend fous.
Toutes les victimes d’algo sont d’accord pour dire que les douleurs sont insupportables, surtout lors de la phase chaude. Mais les douleurs, les souffrances morales, mentales, sont encore plus dures à combattre. Même si j’étais traitée au centre de la douleur, mon père pensait comme les médecins, que c’était « dans ma tête ». Tous les soirs, ou presque, je me faisais disputer, disputer car j’étais malade, c’est ce que je comprenais. Après réflexion, j’ai compris longtemps après que mon père, angoissé, ne voulait pas voir la vérité en face, cela lui faisait trop de mal, étant impuissant devant ce problème de santé.

A l’époque, j’étais au collège, plutôt forte en cours, j’ai peu à peu régressé. Souvent absente pour passer des examens médicaux, même servir de cobaye pour tester de nouveaux médicaments,  j’avais de plus en plus de mal à me concentrer, à être assidue dans mon travail. De plus, lorsque j’étais présente, je ne pouvais suivre les cours normalement, étant devenue un légume à cause des nombreux médicaments que l’on me faisait ingurgiter. Mon médecin avait d’ailleurs fait une ordonnance pour mes professeurs, disant que j’avais le droit de dormir en cours, qu’il fallait me laisser me reposer.
Aucun traitement ne fonctionnait, les douleurs étaient toujours là, et, les effets secondaires se faisaient de plus en plus nombreux : vomissements, vertiges, hallucinations et j’en passe. Le seul point positif de cette période, où l’algo était encore en phase chaude, était que l’on voyait réellement, concrètement, que j’étais malade, à cause des œdèmes qui recouvraient les membres atteints. Les membres atteints car l’algo avait migré : ma main, mon bras, mon épaule, la moitié de mon dos et de ma nuque étaient méconnaissables. Les sensations se modifiaient ; à ce jour, je ne les ai pas toujours pas retrouvées. La pluie me brûle, l’eau brûlante ne me fait rien ressentir, la vapeur vient me frapper à coups de marteau les articulations, ma nuque est dans un étau, et, même si maintenant j’arrive à m’habiller convenablement, à l’époque, rien que de sentir un cheveu se poser sur moi, me donnait des décharges électriques. 

Maintenant arrive la phase froide, plus de signes, plus rien pour prouver, parce que oui, il faut prouver constamment que l’on est malade. J’étais en 4ème, je commençais à avoir du mal en cours, mes notes descendaient. Un de mes professeurs passait son temps à m’humilier devant ma classe, me faisait faire le contrôle à voix haute une fois que les autres élèves l’avaient fini. Je ne savais pas quoi faire, je pouvais à peine écrire et je devais tout de même faire les contrôles… alors j’obéissais, bêtement. Je commençais à en avoir gros sur les épaules.

Pour le passage en 3ème, on m’a envoyé dans un autre collège, qui avait la réputation de bien s’occuper des « élèves à problèmes » comme ils disent. Malheureusement, j’ai rencontré des difficultés dès le premier jour. Incapable d’écrire à cause de petites paralysies, de crampes de l’écrivain, je ne pouvais passer les contrôles de la même façon que mes camarades. Lorsque j’allais expliquer aux professeurs que je ne pouvais pas du tout écrire, ils me disaient que j’en étais tout à fait capable, que dans mon dossier, il était écrit que je pouvais écrire 15 minutes, ils ne voulaient pas en démordre. J’avais préalablement fait une demande pour avoir à disposition un ordinateur, une aide, mais cela m’avait été refusé, car la maladie n’était pas reconnue comme une maladie handicapante. Le directeur m’avait alors certifié qu’il trouverait un moyen pour que je puisse passer les contrôles, mais, le moment venu, il n’avait rien prévu et s’en fichait royalement ; c’est là qu’il m’a alors traitée, lorsque je lui ai tourné le dos, de sale handicapée.
Je suis donc partie de cet établissement et me suis inscrite au CNED. Le problème est que ma sœur (jumelle), ayant voulu me suivre dans le nouveau collège, s’est retrouvée toute seule, chose qu’elle me reproche encore aujourd’hui. «  C’est ta faute si les professeurs m’aimaient pas, c’est ta faute si j’ai redoublé », voilà ce qu’elle me dit. Mais ce n’est pas tout, lorsque je ne pouvais pas écrire mes devoirs à la main, ma sœur me proposait toujours d’écrire à ma place, maintenant elle me dit : « je me couchais tard juste pour t’écrire des devoirs pendant que toi tu te reposais, j’étais obligée » mais non, elle n’était pas obligée, elle se sentait obligée, c’est tout à fait différent. La culpabilité m’envahissait peu à peu, j’avais l’impression d’être un boulet que l’on se devait de transporter.

Une fois au CNED, je n’ai rien pu faire, les douleurs étaient trop importantes, trop handicapantes, j’étais jeune et comme laissée à l’abandon devant les cours. Je souffrais tellement, autant physiquement que moralement, que j’étais dans l’incapacité de travailler. Mes parents l’ont compris et m’ont inscrite l’année suivante dans un nouveau collège. Là, il fallait se refaire de nouveaux amis… seulement, lorsque je suis arrivée dans la classe, on m’a de suite présentée comme une personne « malade », avec des problèmes, les élèves étaient alors très réticents à l’idée de venir me parler, à l’idée de devenir amis.
Un jour, j’ai eu une crise de spasmes dans un couloir, j’ai demandé aux CPE d’appeler ma mère, mais elles me disaient : « Arrête de faire semblant, on te connait, tu n’as rien », comment réagir face à cela ? La seule chose que j’ai trouvée a été de leur donner une raison de téléphoner à ma mère : leur balancer un objet. Comment peut-on en arriver là ? J’avais tellement de haine en moi, je souffrais tellement, que j’en devenais méchante. Petite fille sage, timide, avec la joie de vivre, j’étais tout à coup devenue sûre de moi, haineuse, « personne ne comprend, personne ne veut comprendre », je m’imposais, ne me laissais plus marcher sur les pieds.

J’ai l’impression de ne pas avoir vécu toute mon enfance, et pire, ne pas avoir vécu mon adolescence. J’ai compris le monde adulte très vite : on doit se débrouiller seul, se battre seul, la société n’est pas là pour nous aider, il n’y a pas de solidarité, de compassion, il n’y a rien car le handicap fait peur. Le handicap est une chose dont la société, les gens veulent se débarrasser. A cause de ça, lorsque je suis arrivée en classe CPL (classe préparatoire au lycée), encore un bâton dans les roues, je ne comprenais pas bien le fonctionnement de mes camarades, les potins, les moqueries, les critiques incessantes, je n’avais pas non plus de centres d’intérêts communs, je me fichais de la mode, des célébrités, du paraitre.
Dans ma classe, je me sentais bien d’une certaine manière, car il faut savoir qu’en CPL, on regroupe tous les jeunes qui n’ont pas eu de chance, qui ne l’ont pas provoquée, si on peut dire. C’était assez particulier, on avait tous de très fort caractères, dus, je pense, à notre vécu. Seulement, il était difficile d’avancer dans cette classe, car beaucoup d’élèves n’en n’avaient rien à faire, ne travaillaient jamais. Un jour, je suis arrivée en cours, nous étions en groupe. La professeur a demandé aux élèves de rester debout et m’a dit de descendre toutes les chaises des tables, ce que j’ai fait malgré les douleurs. Une fois tous assis, elle s’est mise devant moi à parler de mes soucis de santé, en se moquant de moi, en m’humiliant devant toute la classe. Je me taisais, je prenais sur moi car je n’avais pas envie, une fois de plus, d’avoir des problèmes.

A bout de forces, j’ai demandé à sortir prendre l’air pour me calmer, je me suis levée, et là, la professeur m’en a empêchée, m’a retenue par le poignet, poignet qui me faisait tant souffrir, elle l’a serré de plus en plus fort, je lui demandais de me lâcher, lui disais qu’elle me faisait mal, mais elle n’en avait rien à faire, elle a continué jusqu’au moment où je l’ai plaquée contre le mur, pour lui faire peur, pour qu’elle me lâche. Je suis sortie dans le couloir appeler ma mère. Venue rapidement, nous sommes allées voir le directeur, qui m’a dit que le comportement de la professeur n’était pas normal, qu’il allait faire quelque chose et qu’en attendant je devais rentrer chez moi. Quelques jours plus tard, j’ai su, j’ai su que je devais passer en conseil de discipline : la professeur était devenue innocente. Pendant le conseil, on m’a même demandé de m’excuser, ce que j’ai refusé de faire. M’excuser de quoi ? de ne pas me laisser faire ? Résultat, j’ai été virée un mois de l’établissement. Un élève n’a jamais raison, parait-il.

A mon retour, ma classe devait partir en voyage à Paris, mais j’ai été convoquée : « Vous ne pouvez pas partir, vous êtes trop dangereuse. Imaginez, si quelqu’un vous pousse dans le métro, je n’ai pas envie que vous vous battiez ». Mais ce n’est pas tout, non : tous les matins, dès que j’arrivais,  je devais aller voir les surveillants, prévenir de ma présence qui était considérée comme dangereuse. Je n’en croyais pas mes yeux, j’étais obligée de faire ce qu’ils voulaient pour pouvoir rester en cours, je m’exécutais. Pour finir, ils n’ont pas voulu me laisser passer en 2nde.  

Je suis donc partie en bac pro équestre, c’était le seul sport que je pouvais encore pratiquer, j’avais dû arrêter le tennis, le volley-ball, le vélo, à cause de l’algo. Monter à cheval était tout de même compliqué, mais je m’étais adaptée. Malheureusement, j’ai vite dû arrêter le bac pro, car j’ai eu un accident au genou et je n’étais plus capable de faire du sport intensément. Là, retour au CNED, accompagnée cette fois par des professeurs à domicile. L’année se passait très bien, mais on ne peut pas valider une année au CNED pour passer dans la classe supérieure dans un établissement.
J’ai alors refait une 2nde dans un lycée. Souvent absente, présente mais sans pouvoir écrire tout le temps, les problèmes recommençaient. « Tu n’as rien », « Tu es nulle, tu n’arriveras jamais à rien, tu es à la ramasse ». J’arrivais tout de même à prendre sur moi, je n’avais pas envie de décevoir ma famille de nouveau, de leur causer des problèmes. Les professeurs me reprochaient d’être souvent absente, mais, quand je venais en cours, vraiment malade, ils me disaient : « Qu’est-ce que tu fais là ? Rentre chez toi ». Les humiliations recommençaient de la part des professeurs, j’essayais de passer au-dessus.  Un jour, j’ai demandé à une prof d’aller prendre un médicament mais elle a refusé : « Si tu pars du cours prendre un médicament, ce n’est plus la peine de revenir de l’année ». Je suis donc restée en cours, en souffrant en silence. Phrase d’ailleurs que beaucoup de médecins m’ont dite, « il n’y a rien à faire, à part souffrir en silence ».

Certains professeurs s’amusaient à faire des remarques devant mes camarades quand j’étais absente : « Je la croiserais dans la rue, je ne pourrais même pas la reconnaître », « Elle n’est jamais là », «  Absente ? C’est pas étonnant ». Tout ça était très désagréable, mais ce n’était pas le pire. Mes soi-disant amies, les élèves que je côtoyais, passaient leur temps à me demander : « Pourquoi t’étais pas là ? » (sachant très bien que j’avais des soucis de santé). Tous les matins, j’avais le droit à un « t’as l’air fatiguée » ; je leur avais pourtant expliqué mainte et mainte fois que la maladie fatigue, les douleurs incessantes fatiguent, mais ils n’entendaient rien, pour eux, j’inventais. Plusieurs fois, j’ai fait des crises de fatigue au lycée : d’un coup, mes jambes me lâchaient, je n’avais plus la force de marcher, de faire quoi que ce soit. Mais comme d’habitude, pour les gens, je faisais semblant. Trois mois avant le bac, j’étais exténuée, tellement exténuée que mon médecin m’a dit de ne plus aller en cours, de me reposer. Je l’ai donc dit à mes « amies » qui ont fini par décider de ne plus me parler, sans me donner d’explications.

Plus tard j’ai su : j’ai su qu’elles en avaient marre que je ne sois pas là, que je ne sois pas forcément présente physiquement, elles aussi pensaient que je faisais semblant, que je mentais constamment, juste pour être tranquille chez moi à rien faire. La maladie nous fait perdre beaucoup de personnes autour de nous, on n’a plus vraiment de vie sociale. On se force à sourire devant tout le monde, à dire que ça va alors que rien ne va, mais, en même temps, on ne peut pas tout le temps dire que ça ne va pas, les gens n’en ont rien à faire et ça les lasse, alors on se grave un sourire… Le seul moment où on fait semblant, c’est là : on fait semblant d’aller bien, d’être heureux, juste pour les autres, juste parce qu’on en a marre de se voir comme un boulet ambulant. J’ai souvent entendu, aussi, lorsque je ne pouvais pas faire de sport alors que j’étais une grande sportive : « T’as de la chance de ne pas faire sport ». Ah oui ? J’ai de la chance ? De la chance d’avoir des soucis de santé qui m’empêchent de faire ce que j’aime ? Les gens ne se rendent pas compte de ce qu’ils disent.

Passons aux psychologues, parce que oui, on nous amène voir des psychologues puisque « c’est dans la tête ». Je passais des heures et des heures à parler à des murs, qui ne me croyaient pas, j’ai vu de nombreux psy, sans succès. C’était encore et toujours plus dur de voir que des professionnels de la santé ne me croyaient pas. J’ai fini par arrêter les séances.

Aujourd’hui, l’algo des membres supérieurs est toujours là ; contrairement à ce que beaucoup de médecins disent, ça ne dure pas que 2 ans maximum, cela peut durer bien plus longtemps. Cependant, je m’y suis habituée on va dire, habituée à la douleur, sauf pendant les crises, qui sont insupportables bien évidemment. Cela me handicape pour pas mal de choses quotidiennes : ouvrir une bouteille, attraper des choses en hauteur à cause de la perte de mobilité, faire à manger, à cause de la vapeur qui m’est douloureuse, écrire, pour le sport, etc. La fatigue se fait aussi de plus en plus ressentir, les douleurs permanentes ne permettent pas de se reposer, de reprendre des forces. J’aimerais tellement avoir un moment de répit, même une minute, une minute sans avoir mal ! J’aimerais tellement pouvoir passer ma maladie à des gens, juste quelques minutes, pour qu’ils se rendent compte. Mais tout cela est impossible.

7 décembre 2013, accident, fractures bi-malléolaires, opération qui cause une algo assez sévère sur le pied et la cheville. Cela fait maintenant presque quatre mois, l’algo vient s’installer gentiment jusqu’au genou. L’algo ne serait pas présente, je pourrais de nouveau marcher, mais à cause d’elle, je suis dans l’incapacité de bouger la cheville, qui reste raide malgré tous les efforts faits pour la mobiliser. Comme d’habitude, certains médecins me disent que c’est dans ma tête, que si je ne marche pas c’est parce que je ne veux pas marcher. D’autres me regardent avec un air désespéré, « tant que tu auras l’algo, tu ne pourras pas marcher, c’est elle qui contrôle tout ».

J’ai 22  ans, je devrais travailler, passer des concours, je ne peux plus rien faire, je ne vois pas mes amis, ne peux pas sortir, la maladie contrôle ma vie, si on peut appeler ça une vie. Pour moi, lorsque l’on est atteint d’une algoneurodystrophie, on ne vit plus, on survit du mieux qu’on peut. Je ne sais pas quand je vais pouvoir remarcher, je ne peux pas m’occuper de ma jument, de mes chiots, je ne peux pas me faire à manger, circuler dans la maison car il y a beaucoup d’escaliers, je ne peux pas conduire. Je suis devenue dépendante, je suis redevenue un boulet pour ma famille. «  À cause de toi, je n’ai pas eu de vacances », «  J’en ai marre de courir partout te chercher des affaires », « Tu pourrais faire un effort quand même ! » toujours les mêmes phrases qui reviennent et qui font culpabiliser. Culpabiliser d’avoir des problèmes de santé.


Margaux, 22 ans

 


L'algo vécue par les jeunes, réalités du quotidien.

Résultats de l'enquête jeunes